Cohabiter avec LE PUMA

les enjeux d’une cohabitation indispensable à l’équilibre de nos éco-systèmes


Au sein de la Cordillère des Andes occidentale colombienne, le puma domine les monts et forêts et représente une icône et une fierté pour les communautés locales. Félin présent sur l’ensemble du continent américain, l’espèce est menacée par la chasse illégale et la perte d’habitat liée à la déforestation. Chez Nativos, nous épaulons le travail réalisé par la Corporation Serraniagua et les caféiculteurs pour protéger les espèces, la biodiversité et plus généralement la Vie. Récit d’une stratégie de conservation et de protection communautaire.

Cordillère des Andes colombienne et Puma

Le Puma, véritable témoin de la santé écosystémique

Le puma (puma concolor) est comme beaucoup de félins ce que l’on nomme un « super-prédateur », et se retrouve donc dans les hauteurs de la pyramide de la chaine alimentaire. Il exerce dans ce sens un rôle fondamental de régulateur de populations d’espèces au sein de l’écosystème où il évolue. On peut citer pour exemple la régulation de plusieurs familles de rongeurs (parfois considérés comme nuisibles) tels que les guatins (Dasyprocta punctata, Dinomys branickii, Cuniculus paca) ou les tatous (Cabassous centralis, dasupus novemcinctus) qui peuvent très souvent devenir un « fléau » pour les cultures alentours s’ils sont trop nombreux.

Guatin Colombie

Guatin des Andes colombiennes

Si on constate la présence de super-prédateurs tels que le puma, cela signifie que l’on est en présence d’une excellente santé écosystémique et d’une préservation de la biodiversité et des forêts.
Le puma devient ainsi un bio-indicateur, une « espèce ombrelle », un porte-drapeaux de la protection des habitats.

 

Le travail de la Corporation Serraniagua sur le territoire.

Forte de ses 25 années de travail sur le terrain, la Corporation Serraniagua a su mettre en place une stratégie de conservation à court, moyen et long terme de manière inclusive et communautaire.

Parc naturel culture café Colombie

En protégeant l’eau et les forêts, on préserve de nombreux écosystèmes, et en particulier, l’habitat de nombreuses espèces comme, en l’occurrence, le Puma. Créer un couloir de conservation est alors la clé de voute de cette stratégie.

Une situation biogéographique clé

La Serrania de los Paraguas est située au carrefour du Parc National Tatama au nord, du Parc National Munchique au sud et au cœur du Chocó biogéographique. Il s’agit alors de connecter les aires de conservation, conserver les zones vierges et sauvages afin de les interconnecter. Au niveau local, Serraniagua a donc entrepris la création d’un réseau de réserves naturelles privées et communautaires visant à continuer ce couloir de conservation, et ainsi protéger les habitats.

Conserver les zones vierges et sauvages afin de les interconnecter et créer un couloir de conservation est alors la clé de voute de cette stratégie.

Le monitoring communautaire : apprendre à connaitre ce qui nous entoure

Empreinte PumaApprendre à connaitre son territoire et ses différentes composantes est essentiel pour créer de l’appropriation au sein de la communauté des producteurs de café. Serraniagua a donc mis en place un processus de monitoring communautaire afin de réaliser une caractérisation des mammifères de la zone.
Des caméras pièges sont installées au sein des réserves naturelles, des fermes de café, des forêts, avec des groupes de jeunes, avec les caféiculteurs afin de révéler les merveilles qui se cachent au cœur de notre territoire.

La chasse illégale et la perte d’habitat : un déséquilibre écosystémique

Néanmoins, cette belle dynamique de conservation communautaire est fortement perturbée par un contexte territorial en fort décalage. Effectivement, l’accroissement toujours plus conséquent des zones d’élevage et de cultures intensives génère un phénomène de déforestation très problématique en termes de perte d’habitat et de diminution des sources d’eau. Les couloirs de conservation sont interrompus ayant pour conséquence un déséquilibre écosystèmique et des changements de comportement, notamment chez les grands mammifères comme les félins. Il faut ajouter à cela la chasse illégale qui crée un déséquilibre, notamment chez les populations de petits et moyens mammifères, mais plus généralement dans toute la chaine alimentaire de la zone.

Les conflits humain/puma : l’exemple de la réserve naturelle Altomira

La Réserve Naturelle Altomira de Don Isaac et sa famille, (Micro-lot Isaac Gonzalez), est l’une des premières réserve naturelle déclarée du village et associée à l’organisation Serraniagua. La réserve est divisée en deux parties : la partie productive avec la production de café, de cane à sucre, de maïs, haricots, etc., et la partie conservation avec une forêt qui protège de nombreuses espèces et un cours d’eau qui abreuve des dizaines de familles.

Depuis quelques mois, la ferme est victime de cas de déprédation. En effet, des animaux de bassecour comme des poules, des canards ou des dindes sont retrouvés assassinés non loin de la ferme. La famille raconte même avoir vu en pleine nuit «  un gros animal » s’enfuir avec une des volailles. Cela ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un mammifère relativement important, et probablement un félin tel que le puma.

Après une analyse d’empreinte dans la forêt, l’équipe de Serraniagua a installé une caméra non loin de la zone de vie et à l’entrée de la zone de conservation afin d’identifier de manière précise le « responsable » de ces attaques. Sur la photo prise par la caméra, il ne fait plus aucun doute que l’animal en question n’est autre que le puma.

Camera piège Puma

Dans son comportement, le puma est un animal très opportuniste. Il va toujours chercher la manière la plus simple de s’alimenter. Néanmoins, ce type d’animal est très méfiant et de manière général ne s’approche pas des fermes ou des habitations, par peur des êtres humains, et préfère rester dans la forêt et manger des petits mammifères, ses proies naturelles, qu’il trouve sur son chemin. Ce type d’attaque est une preuve manifeste que quelque chose est en train d’altérer son écosystème et son comportement.

Quelle stratégie adopter ?

En accord avec d’autres expériences vécues de conflits de déprédation dans d’autres zones de la municipalité, et avec les connaissances acquises grâce à certaines institutions comme la Fondation Panthera, organisation internationale qui travaille pour la protection des félins, Serraniagua avait par le passé installé des systèmes d’élevage anti-prédateurs et mis en place des pratiques culturelles avec les populations.

Par exemple, dans les fermes traditionnelles de café comme celle de la famille Gonzalez, les animaux sont laissés en liberté et gambadent librement dans les champs de café et jusqu’à la forêt. Il est nécessaire d’adapter les pratiques afin de minimiser les risques, notamment en enfermant les volailles et le bétail la nuit.

Ensuite, l’équipe et la famille caféicultrice a procédé à la construction d’épouvantails permettant d’éloigner pour un temps le félin. Le puma détecte ainsi une présence, se méfie et préfère finalement rebrousser chemin. Il est important de déplacer l’épouvantail de temps à autre et de lui associer une odeur humaine afin d’augmenter les chances de succès. Cet outil est efficace mais n’est cependant pas durable, le félin se rend compte de la supercherie assez rapidement et reprend sa besogne.

Installation épouvantail ferme de café

Finalement, l’installation d’une clôture électrique à l’orée du bois afin de protéger temporairement les animaux de la ferme a été décidée. Cette clôture permet de dissuader les prédateurs opportunistes de s’approcher de la ferme et petit à petit, ces animaux changeront leur « route » de chasse et retourneront très probablement chasser leurs proies naturelles dans la forêt.

Ce type d’évènement est récurrent dans la zone et montre l’importance des zones de conservation pour la faune locale. Néanmoins, il est évident que des déséquilibres écosystémiques perturbent l’activité de ces animaux sauvages. Il est donc fondamental de continuer les efforts et mettre en place des stratégies visant à harmoniser la relation entre les populations et la biodiversité, notamment par des programmes de sensibilisation et de promotion de la conservation des zones de forêt.

Cédric Allain Sauvage

Correspondant Nativos en Colombie